La récente crise agricole a conduit le chef de l’Etat et le gouvernement à réagir et à envisager une nouvelle révision de la règlementation encadrant les relations entre producteurs agricoles, transformateurs et distributeurs.
La proposition de « prix planchers » évoquée par le président de la République traduit une volonté d’assurer une plus grande efficacité des lois Egalim qui ont pour objectif d’assurer un revenu suffisant aux agriculteurs. Parallèlement, plusieurs initiatives voient le jour : le premier ministre a mandaté deux députés, Anne-Laure Babault et Alexis Izard en leur confiant une mission ambitieuse, consistant à envisager une réforme de l’ensemble du Titre IV du Livre IV du Code de commerce, qui régit les relations au sein de la chaîne d’approvisionnement des produits alimentaires et de grande consommation.
La commission d’examen des pratiques commerciales est par ailleurs saisie pour formuler des recommandations de bonnes pratiques en matière de rédaction et d’application des clauses de révision et de renégociation des prix. Des auditions sont également prévues par l’Assemblée et le Sénat relatives à l’évaluation de la loi Egalim 2, et enfin, les députés Aurélie Trouvé et Frédéric Descrozaille ont publié leur rapport sur l’application de la loi dite Descrozaille du 30 mars 2023.
Dans la perspective d’un nouveau tour législatif qui semble se profiler, les distributeurs ont d’ores et déjà formulé certaines propositions qui visent :
- l’option 3 prévue à l’article L. 441-1-1 du Code de commerce relatif aux mécanismes de transparence ; et
- la date butoir, certains voulant la supprimer, d’autres préconisant un régime à deux vitesses en fonction de la taille des entreprises, à l’instar de la loi du 17 novembre dernier qui a modifié le calendrier pour 2024.
Dans ce contexte qui laisse à penser qu’un « Egalim 4 » (sans qu’il y ait eu véritablement d’Egalim « 3 » !) se profile à un horizon plus ou moins court (selon toute vraisemblance, l’examen d’un texte par le Parlement ne pouvant se tenir avant l’automne), il reste une question non résolue : la loi Egalim 2 a-t-elle atteint son objectif prioritaire, à savoir la sanctuarisation de la matière première agricole ?
C’est certainement la première question que doivent se poser le gouvernement et le législateur. Si de nouvelles dispositions venaient à être adoptées, c’est dans l’optique de permettre que ce dispositif fonctionne et gagne en efficacité. Or, le contexte des négociations tourné quasi-exclusivement vers des prix les plus bas possibles est-il compatible avec l’objectif de juste rémunération des agriculteurs ?
Il manque par ailleurs, dans la loi, une articulation claire entre la négociation à l’amont et la négociation à l’aval. Les indicateurs publics et la contractualisation, abordés comme une garantie de la « marche en avant » du prix voulue par Egalim 1, semblent faire défaut. C’est un premier écueil sur lequel le législateur doit se pencher. La sanctuarisation fonctionne-t-elle vraiment, lorsque les mécanismes des options 1 et 2 remplissent bien l’objectif de transparence, mais ne garantissent en rien la non-négociabilité de la matière première agricole ? Seule l’option 3, en se basant sur l’évolution du tarif, et en faisant un lien direct entre cette évolution et celle du prix convenu, sous le contrôle d’un tiers indépendant, peut permettre d’y parvenir en l’état. Les critiques à l’encontre de cette option visent plus des défauts d’application (non-production des attestations, pédagogie insuffisante, attestations aval non concluantes et non sanctionnées), que le mécanisme lui-même.
Doit-on pour autant laisser la législation en l’état ? Sûrement pas. Il est nécessaire de corriger certaines difficultés et adapter la réglementation aux nouvelles difficultés rencontrées.
Doit-on remettre à plat l’ensemble de la réglementation avec un nouveau cadre applicable aux négociations 2025 ? Nous n’en sommes pas convaincus. En effet l’entrée en vigueur d’une réglementation doit prendre en compte le rythme des négociations qui démarrent par le bilan des précédentes négociations qui est souvent réalisé avant le mois de mai. A cette date, les équipes concernées doivent disposer d’une réglementation non seulement stable mais dont elles ont déjà pu saisir les tenants et aboutissants.
En outre, les acteurs de la relation fournisseur – distributeur ont connu au cours des deux dernières années, des négociations particulièrement bousculées du fait de l’entrée en vigueur, parfois tardive – compte tenu du calendrier de ces négociations – de réformes de taille. Ce fut le cas avec la loi Egalim 2 et plus récemment la loi de lutte contre l’inflation qui a avancé la date butoir des négociations.
La raison voudrait que 2024 soit éventuellement une année d’adaptation du cadre juridique à la marge afin de permettre aux acteurs de se saisir des mécanismes prévus par la loi.
On pourra alors, pour les négociations 2026, préparer une refonte du cadre en gardant en tête :
- De fixer les objectifs précis de ce cadre
- De s’assurer d’une compréhension aisée par les personnes qui doivent l’appliquer au quotidien
- De veiller à la simplicité quand c’est possible
- De permettre aux opérateurs de disposer d’un cadre stable à compter du mois de mars de l’année n-1.
Pour cela, il faut une réflexion concertée et un peu de sérénité, travailler dans l’urgence ne peut qu’être contre-productif.
En attendant, nous recommandons aux fournisseurs de travailler sur les 2 axes suivants :
- Bien travailler la question de la matière première agricole (MPA) à travers les questions suivantes :
- Qu’auriez-vous pu faire différemment dans la maitrise de vos connaissances relatives aux MPA et dans l’utilisation de ces données dans le cadre de la négociation ?
- Devez-vous faire face à des changements spécifiques dans l’approvisionnement des MPA ?
- L’option choisie dans vos CGV est-elle vraiment la meilleure pour votre entreprise ?
- Comment pouvez-vous vous appuyer sur un tiers indépendant même en cas d’option 1 & 2 ?
- En cas d’option 3, avez-vous géré de manière optimum les relations avec les tiers indépendants et avec le client ? De même avez-vous géré les décalages pouvant exister entre l’attestation amont et l’attestation aval ?
- Maitriser le sujet des pénalités à travers les questions suivantes :
- Avez-vous vu évoluer le régime des pénalités de manière favorable pour votre entreprise, à qualité de service équivalent ?
- Avez-vous pu systématiquement bénéficier d’une marge d’erreur suffisante ?
- Avez-vous pu obtenir le cantonnement des pénalités au préjudice effectivement subi ?
- Avez-vous vu une utilité au plafond de 2 % ?
- Quel a été l’effet de la séparation de l’accord commercial et de l’accord logistique ?
- Avez-vous pu améliorer la collaboration logistique avec vos clients ?
Nous sommes bien évidemment à votre disposition pour échanger autour de ces sujets et vous accompagner dans les négociations 2025 avec comme objectif de créer, grâce à la maitrise de la réglementation, des opportunités.